dimanche 24 mai 2009

Les langues d'avant Babel

"Voici la famille des fils de Noé, Sem, Cham et Japhet. Il leur naquit des fils après le Déluge[...]. Chacun eut son pays suivant sa langue et sa nation selon son clan". (Genèse, IX, 10).
L'effondrement de la langue commune avait donc commencé avant l'accident (ces allumettes craquées par les gosses laissés seuls). Peut-être la langue était-elle déjà assez vaste pour donner naissance, naturellement, aux langues. Celles qui disent les vérités singulières et les petits orgueils : cette grandeur qui a tort de se taire à l'unisson.

"Emigrer dans sa langue"

Traduire est un métier impossible nous dit J-B. Pontalis (Perdre de vue). C'est moins opérer (dans un sens chirurgical) que perdre ce possible confort du séjour dans sa langue, puis dans celle que l'on pratique. C'est accepter l'épreuve d'une traversée. Bien plus c'est comprendre que le sol sur lequel on croyait avoir bâti une âme, n'est qu'hypothèse.

La langue qui remonte



Ce n'est pas seulement une berceuse qui lui revient (Emmanuel Carrère, Retour à Kotelnich), c'est la langue russe elle-même. Celle du grand-père disparu pendant la guerre, là-bas en France, de l'autre côté du cahier.

A quoi rêve-t-il ?


Pyrénées.

Un près sorti de Très riches heures. Parmi tant d'autres, un mouton, le mouton; celui qui dort. "A quoi rêve-t-il et dans quelle langue?" demande le rationaliste.